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Sommes-nous déterminés par nos gènes ?
Le Figaro
27 Apr 2023
Eugénie Bastié [email protected]
Dans ce que nous sommes, quelle est la part d’inné et d’acquis, de nature et de culture ? C’est une question aussi vieille que la philosophie, mais qui reprend une nouvelle vigueur ces derniers temps, avec les récentes découvertes de la génétique, et notamment la révolution de L’ADN. Le débat est particulièrement vif en Amérique, le pays de la réussite, du selfmade-man et de l’ascension sociale. La génétique reprend le flambeau de l’éthique protestante pour déchiffrer ce qui relève du mérite ou de la grâce dans le miracle du succès individuel. Cette question prend une tournure brûlante alors que les inégalités explosent : ces dernières années, les 0.1 % d’américains les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 400 %, tandis que les hommes non diplômés n’ont connu aucune augmentation de leur salaire réel depuis les années 1960. Les diplômés raflent de plus en plus la mise, et l’intelligence devient aussi déterminante dans la trajectoire sociale que les quartiers de noblesse sous l’ancien Régime.
Dans La Loterie génétique, ouvrage enfin traduit en français aux Éditions Les Arènes, Kathlyn Paige Harden aborde cette question taboue : pourquoi acceptons-nous la réalité de l’arbitraire social, mais pas celui de l’arbitraire génétique ?
La gauche a toujours été rétive à une explication des inégalités par la génétique. Staline persécutait les généticiens et promouvait le professeur Lyssenko qui refusait de reconnaître l’existence des chromosomes. Le lyssenkisme a survécu à la chute de L’URSS. En France, la sociologie hyperconstructiviste est hégémonique. L’influence tutélaire de Bourdieu règne. L’auteur des Héritiers appelait « idéologie du don » l’idée que les inégalités de réussite à l’école refléteraient des inégalités d’aptitudes. Pour Bourdieu, tout est conditionné par le social, et il n’y a pas d’inégalités naturelles. Pourtant, le « don » n’a rien d’une idéologie, c’est une réalité scientifique indubitable que démontre point par point Kathryn Paige Harden dans ce livre passionnant où elle nous plonge avec beaucoup de pédagogie dans la réalité complexe des index polygéniques.
« Quand les individus héritent de gènes différents, cela entraîne des différences dans leur parcours de vie », résume-t-elle. « On ne peut plus douter que les gènes aient un effet causal sur la réussite scolaire. »
La preuve la plus éclatante du rôle de la génétique se trouve dans la différence entre vrais jumeaux (qui partagent un patrimoine génétique) et faux jumeaux : éduqués dans le même foyer, exposés aux mêmes habitudes parentales, fréquentant les mêmes quartiers et les mêmes écoles, on s’aperçoit pourtant que dans tous les domaines (personnalité, intelligence, goûts), les faux jumeaux sont plus différents que les vrais jumeaux. Mais c’est aussi vrai pour les membres d’une fratrie. C’est pourquoi, souligne la professeur de psychologie clinique, dans les études, les intuitions d’un groupe en particulier correspondent remarquablement bien aux résultats scientifiques : il s’agit des mères de plusieurs enfants. Le bon sens rejoint la science !
« Insister sur le fait que la génétique puisse avoir la moindre pertinence dans le domaine de l’éducation et des inégalités revient à chercher des ennuis », prévient Kathryn Paige Harden. Le double écueil de l’eugénisme et du racisme guettent quiconque s’aventure dans les eaux dangereuses du génome.
En 1994, dans The Bell Curve, Charles Murray et Richard Herrnstein entreprenaient de démontrer la répartition en cloche de la population en fonction du QI. Ils avaient fait polémique car ils abordaient la question des différences d’intelligence en fonction de l’appartenance ethnique. Kathryn Paige Harden ne se dérobe pas devant ce débat hautement sensible. Elle montre de façon convaincante que la recherche permet de
« séparer la réalité empirique des influences génétiques sur les différences individuelles de réussite socio-économique et la rhétorique raciste sur les différences entre groupes humains ». Si l’ascendance a une pertinence du point de vue biologique, la « race » n’en a aucune.
« Les eugénistes pensent que les gènes engendrent les classes sociales comme ils génèrent la maladie de Huntington », écrit la chercheuse. Si tout est écrit d’avance dans notre génome, à quoi bon mener des politiques sociales ? La naturalisation des différences sociales peut conduire à l’impuissance politique, et c’est pourquoi la gauche s’enferme dans le déni de la génétique. Elle a tort, dit l’auteur, car il est possible de réconcilier le désir d’égalité et la génétique. Elle plaide pour ne pas abandonner la science aux racistes et aux eugénistes.
Jusqu’à présent, l’effort politique s’est concentré sur la réduction de l’arbitraire social, mais peu sur les corrections de l’arbitraire génétique. Or la génétique peut nous aider à déterminer quelles politiques publiques sont efficaces en matière d’éducation ou de prévention des risques. Kathryn Paige Harden prend l’exemple de la linguistique. Une étude a montré que les enfants pauvres entendent 30 millions de mots de moins que les enfants riches avant leurs trois ans. Obama en a fait l’une des grandes priorités de son mandat, dépensant des millions de dollars dans des politiques publiques non ciblées visant à inonder les foyers modestes de kits développant le vocabulaire. On ne s’est pourtant jamais posé la question du rôle que joue la génétique dans le fait que des parents ont des enfants qui parlent davantage… Cela pourrait peut-être permettre de mieux cibler les politiques éducatives.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce sont en général les conservateurs qui, dans les enquêtes d’opinion, sont plus réticents à expliquer la réussite par la chance : ils préfèrent l’attribuer au mérite et au travail. « La reconnaissance du rôle de la génétique dans la réussite scolaire et financière des individus va à l’encontre des discours culpabilisants qui rendent les gens responsables de leur manque de réussite », écrit Kathryn Paige Harden. Elle rejoint en cela Michael Sandel qui, dans La Tyrannie du mérite, montre la déconnexion de l’élite cognitive américaine du reste de la population. Persuadée qu’elle ne doit sa réussite qu’à elle-même, elle s’affranchit de tout devoir envers les perdants de la course au diplôme. Prendre conscience de la part vertigineuse du hasard (chaque individu est le fruit de 70 milliards de combinaisons possibles lors de sa conception) qui régit nos vies est un appel à la modestie et à l’acceptation de la finitude humaine. ■
Dans « La Loterie génétique », une professeur de psychologie américaine montre l’héritabilité de la réussite scolaire, et plaide pour mettre cette science au service du progrès social. Passionnant.
« Le « don » n’a rien d’une idéologie, c’est une réalité scientifique indubitable que démontre point par point Harden» Kathryn Paige